Les exigences croissantes de la population

Parmi les causes de l’augmentation de la demande de santé ; les exigences croissantes de la population : Les français n’ont aucune idée précise de ce que coutent à leur pays, à leurs entreprises et à eux-mêmes leur système de sécurité sociale et leur système de soins. Prélevées de sécurité sociale et leurs revenus, les cotisations sociales ne sont pas vécues comme un impôt et, de ce fait, la santé devient un du sans contrepartie financière réellement ressentie. L’hôpital est considéré comme gratuit, et les soins en ville sont remboursés en grande partie par l’assurance obligatoire, les mutuelles ou les assurances privées.

Il n’est donc pas surprenant que non seulement ils n’imaginent pas que l’on puisse toucher à ce paradis social, mais encore qu’ils appellent de leurs vœux une médecine encore plus efficace, apportant le confort technique permettant d’éviter la souffrance et d’allonger la vie, sans risques et sans accidents médicaux. Ils attendent de leurs gouvernants la garantie de la fausse gratuité, de leurs chercheurs l’innovation quotidienne, de leurs juristes la fixation des règles et de leurs juges la sanction des excès ou des erreurs. Ils veulent tirer bénéfice du progrès médical et être protégés par le droit, la justice et la morale.

L’exigence de progrès s’exprime dans le domaine technique et scientifique d’une part, dans le domaine moral d’autre part.

L’histoire de la recherche médicale se confond avec l’histoire de la médecine. En dépit des expériences de vivisection que pratiquaient certains médecins égyptiens, les découvertes médicales sont restées pendant très longtemps du domaine du hasard. La médecine d’Hippocrate se fondait sur la capacité de l’individu à trouver sa propre force pour combattre la maladie, tandis que les médecins trouvaient sur leur propre corps ou sur celui des condamnés à mort ou sur les champs de bataille le fruit de leurs investigations.

Aujourd’hui, ce début de siècle est placé sous les auspices de la révolution biologique moléculaire avec le décryptage de la structure de l’ADN (matière constitutive de chromosomes) ou le déchiffrage du code génétique.

De plus, recherche fondamentale et recherche clinique apparaissent comme les piliers indispensables du progrès médical scientifique. La recherche clinique ou appliquée constitue la concrétisation médicale des observations théoriques qui procèdent des études de la recherche fondamentale. Il peut s’agir de recherches sans bénéfice individuel pour ceux qui ont accepté d’y participer (physiothérapie, injection de produits pour observer un organe lésé, échographie, scintigraphie) en particulier dans le domaine de la psychiatrie et de la psychologie comportementale.

La recherche clinique peut avoir également un bénéfice direct pour celui qui s’y prête. Il en est ainsi des essais de médicaments sur l’homme qui comportent le double intérêt de servir l’intérêt général et de concourir aussi au soulagement de l’individu volontaire pour l’expérimentation.

Il existe donc, en France, un continuum allant de la recherche biologique la plus fondamentale à la recherche appliquée la plus finalisée. Néanmoins, il convient que la promotion de la recherche s’appuie sur une politique globale, associant le secteur privé (industrie pharmaceutique) et le secteur public.

Aujourd’hui, on peut espérer ajouter de la santé à la vie avec les pratiques de la biomédecine et de la thérapie génique qui ouvrent des voies inespérées non seulement à la naissance mais également durant la vie pour aider les malades atteints de maladies génétiques (4 000, dont la mucoviscidose l’hémophilie, les formes d’anémie, les retards mentaux, a rétinite pigmentaire, la thalassémie) ou de maladies rares dites « orphelines », pour lesquelles il n’existe actuellement pas de traitement.

A côté des thérapies de modification, il existe un arsenal de thérapies de substitution ou « palliatrices » dont les greffes d’organes constituent le meilleur exemple.

Par ailleurs, le progrès médical n’a pas ignoré la connaissance du cerveau. Grâce à l’essor de la biologie moléculaire, les neurosciences permettent de traiter les affections du système cérébral comme la maladie de Parkinson (perte de tonus musculaire), la maladie d’Alzheimer (démence sénile) ou la chorée du Huntington (mouvements désordonnés, disparition des facultés intellectuelles). Le traitement de ces maladies fait appel non seulement à la thérapie génique mais également à la psychochirurgie (trépanation, lobotomie) ou à la neuropharmacologie (médicaments psychotropes).

On peut aussi espérer ajouter de la dignité à la mort et soulager les souffrances, car l’un des objectifs de la politique de santé est bien d’ajouter des années à la vie, c’est-à-dire de repousser le plus loin possible l’échéance de la mort.

Aussi, la médecine moderne est confrontée avec acuité à ce phénomène et aux nouvelles exigences des individus et des malades : ils veulent vivre le plus longtemps possible, dans le plus grand confort physique et mental, mais ils souhaitent également mourir dignement et sans souffrances, voire au moment de leur choix. La loi du 22 avril 2005 (loi dite « Leonetti ») a réalisé des progrès importants en matière de droits des malades et de la fin de vie. Elle reste, pour l’instant, le dispositif législatif de référence.

Quant à l’exigence de protection, elle constitue la contrepartie de l’exigence de progrès. La population demande à être protégée à la fois par le droit, par l’éthique, par la déontologie et par le juge.

Le professeur Portes (ancien président de l’Ordre national des médecins) estimait que les sociétés du XXIe siècle seraient davantage gouvernées par la morale que par le droit. Cette appréciation n’est pas dénuée de fondement tant il est vrai que les références éthiques viennent compléter très utilement la règle de droit.

Il convient que la référence à la règle juridique empêche la médecine moderne à transformer le corps humain en un véritable matériau d’exploitation (négociation des organes, commercialisation du sang ou du sperme, location d’utérus).

Toute la construction juridique moderne s’est efforcée à considérer le corps comme inviolable (nécessité d’un consentement libre, exprès et éclairé de l’individu) et indisponible (le consentement ne suffit pas à tout justifier), principes fondateurs des lois bioéthiques des 2 et 29 juillet 1994, en cours de révision, repris dans la loi du 4 mars 2002.

Il convient également de protéger les malades contre les excès possibles de la recherche médicale. La loi du 20 décembre 1988 (dite loi Huriet-Sérusclat du nom des sénateurs qui en ont été les inspirateurs) et ses décrets d’application protègent les personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

Cette réflexion a débouché non seulement sur la création législative des comités consultatifs de protection des personnes se prêtant à des recherches es biomédicales, mais également sur la création, un décret du 25 février 1983, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Mais les réflexions d’ordre éthique sont accompagnées d’un véritable arsenal déontologique et codes de bonnes pratiques dont se sont dotés les professionnels de santé. Enfin, la justice est en mesure de sanctionner pénalement, administrativement ou civilement les fautes commises par les professionnels ou les établissements de santé.

Ces derniers sont entrés dans l’« ère de la vigilance ». L’hôpital constitue non seulement une machinerie très complexe, de plus en plus asservie à la technique et donc de plus en plus fragile, mais aussi un milieu à risques pour les malades. Depuis 1993, on assiste à une création boulimique de « sentinelles » hospitalières chargées de la veille, de l’alerte et de la riposte en matière sanitaire. De plus, une véritable obsession conduit à enfermer les pratiques dans la précaution procédure et l’information organisée, voire dans la paralysie et la tétanie professionnelles. Établissements et professionnels de santé sont confrontés, par ailleurs, à une augmentation, sans précédent et inquiétante, de leurs cotisations en matière d’assurance en responsabilité civile.

Les risques techniques, en relation avec la structure et avec les installations hospitalières, sont réels. La sécurité contre le risque incendie constitue une préoccupation majeure des directeurs d’hôpitaux d’autant plus que le parc hospitalier a vieilli et que les normes dans ce domaine sont devenues drastiques en matière d’installations électriques, de réseaux d’eau potable ou stérile, de réseaux de distribution des gaz médicaux.

Les risques médicaux se sont développés et sont davantage prévenus :

  • sécurité anesthésique (salle post-interventionnelle ou salle de réveil) obligatoire dans les établissements de santé ayant une activité chirurgicale depuis au plus tard le 5 décembre 1997 ;
  • sécurité transfusionnelle réorganisée en 1993 sur la base de l’hémovigilance au plan national (Établissement français du sang, Commission nationale d’hémovigi­lance, Institut de veille sanitaire), au niveau régional (coordonnateurs régionaux d’hémovigilance) et au niveau local (correspondants d’hémovigilance des établissements de transfusion, et des établissements de santé, comme tout professionnel de santé) ;
  • la matériovigilance s’exerce sur les dispositifs médicaux après leur mise sur le marché, pour éviter que ne se (re) produisent des incidents et risques d’incidents graves. Elle est organisée sur un système national (ANSEM, Commission nationale de sécurité sanitaire des dispositifs médicaux) et à échelon local (correspondants locaux de matériovigilance des établissements de santé, fabricants, quiconque ayant connaissance d’un incident ou d’un risque d’incident, utilisateurs et tiers).

La pharmacovigilance est la surveillance et la prévention du risque d’effet indésirable, que ce risque soit potentiel ou avéré, des médicaments lorsqu’ils sont consommés largement dans le cadre de leur commercialisation fondée sur un système comprenant un échelon national (ANSEM, Commission nationale de pharmacovigilance et de son comité technique), un échelon régional (centres régionaux de pharmacovigilance) et d’autres acteurs (professionnels de santé ; patients et/ou les associations de patients ; entreprises du médicament).

L’infectiovigilance permet de mieux connaître et de décrire le risque d’infections nosocomiales (environ 4 000 décès par an) au sein des établissements de santé. Cette surveillance et les études qui en découlent s’imposent face à l’importance du phénomène de la résistance bactérienne aux antibiotiques, ainsi qu’aux progrès médicaux permettant de prendre en charge des patients de plus en plus fragiles qui cumulent souvent de nombreux facteurs de risque infectieux. Elle repose en partie sur l’obligation faite aux établissements de santé de signaler la survenue de toute infection nosocomiale et de recueillir les informations les concernant.

Un système national de surveillance, d’étude et d’information a ainsi été mis en place. Il est composé d’abord d’un échelon national : Comité technique national des infections nosocomiales (CTIN) ; cellule « infections nosocomiales » commune à la direction générale de la Santé et à la direction générale de l’Offre de soins ; RAISIN (réseau alerte investigation surveillance des infections nosocomiales, mis en place en 2001 et fondé sur un accord de partenariat entre le CTIN, l’InVS et les CCLIN) ; ensuite, d’un échelon interrégional (cinq centres de coordination) (CCLIN) ; et d’un échelon local enfin, chaque établissement de santé disposant d’un comité de lutte contre les infections nosocomiales chargé d’organiser et de coordonner la surveillance, la prévention et la formation continue en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Ce comité est assisté d’une équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière (EOHH).

Mais la surveillance des établissements et des professionnels de santé, est exercée par la population elle-même. Les représentants des usagers ont fait leur entrée, en 1996, dans les assemblées délibérantes des établissements publics de santé, et leur place a été confortée au sein des conseils régionaux de santé créés par la loi du 4 mars 2002. Ils siègent actuellement dans les conseils de surveillance des établissements publics de santé et, dans chaque établissement de santé, au sein d’une commission des relations avec les usagers (CRUQPC).

Dans ces conditions, le malade et le patient sont devenus de véritables « consommateurs de santé » au sein d’une société qui tend, de manière compulsive, à vouloir faire disparaître tous les risques. L’affaiblissement des traditionnels piliers de la société conduit à laisser seul l’individu face à des risques contre lesquels il n’a pas été armé au titre de sa responsabilisation individuelle. Or, il n’est pas certain qu’un « acharnement indemnitaire », et une propension très médiatisée à la « victimisation », soient de nature à conforter la relation de confiance, aujourd’hui ébranlée par le doute, qui doit prévaloir, d’une part, entre le médecin et son malade, d’autre part, entre le citoyen et le gouvernant.

Malgré toutes ces avancées, un certain nombre de disparités de santé sont encore persistantes. Si, de façon très schématique, les besoins de santé sont exacerbés au Nord de la Loire en raison des méfaits de l’alcoolisme, du tabagisme et des conditions climatiques, l’offre de santé reste hypertrophiée au Sud.

La densité des médecins, toutes disciplines et tous modes d’exercices confondus, peut varier du simple au double selon les départements. Les plus fortes densités sont recensées sur le pourtour méditerranéen (en raison de l’héliotropisme), en région parisienne et dans quelques villes sièges de faculté (Toulouse, Strasbourg, Lyon) ; les plus faibles, dans la région Centre ou dans les zones rurales.

En ce qui concerne les médecins spécialistes, leur densité se situe à 220 pour 100 000 habitants dans les Alpes-Maritimes pour seulement 70 pour 100 000 en Lozère.

Ces disparités sont également sensibles en matière d’offre hospitalière qui varie, en soins de court séjour, de 2,5 à 6 lits pour 1 000 habitants (9,8 à Paris).

Il y a donc un lien ténu entre la demande et l’offre de santé.

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