incidence des infections postopératoire en chirurgie parodontale
En chirurgie plastique parodontale, les infections postopératoires sont rares à moins d’un problème spécifique (Miller et Sauvan, 1996). En prescrivant un antibiotique, Bruno (1994), contrairement à Dal Pra et Strahan (1972), ne note aucune réduction significative de la douleur et de l’inflammation postopératoires. Dans une étude rétrospective menée à grande échelle, Pack et Haber (1983) avaient eux aussi conclu que les infections postopératoires en chirurgie parodontale étaient rares. Hokoyd (1971), Ruben et al. (1972) et De Marco et Kluth (1972) se prononcèrent du même avis.
Dans une étude prospective randomisée, menée en double aveugle et ayant intéressé 19 patients devant subir des interventions de chirurgie parodontale (lambeaux d’assainissement), Pendrill et Reddy (1980) n’ont relevé aucune différence significative entre le groupe témoin (placebo) et le groupe ayant reçu de la phénoxyméthylpénicilline (pénicilline V) en postopératoire pendant 5 jours. Le taux d’infections postopératoires était de 20 % dans les deux groupes. Seule la douleur postopératoire était moins importante chez les patients ayant reçu la pénicilline. Bien qu’aucune précision n’ait été donnée concernant la dose quotidienne prescrite en postopératoire uniquement, les auteurs concluaient que la prescription systématique de pénicilline à
chaque intervention de chirurgie parodontale n’était pas nécessaire. Une étude prospective concernant 207 sujets chez lesquels 220 interventions de chirurgie parodontale ont été réalisées (lambeaux d’assainissement, gingivoplasties, greffes gingivales, chirurgie osseuse, amputations radiculaires…) a montré qu’avec ou sans prescription postopératoire d’antibiotiques (concernant respectivement 82 et 138 interventions), le taux de complications infectieuses postchirurgicales restait le même, voisin de 3,6 % (Tseng et e, 1993). Toutes ces interventions chirurgicales avaient été réalisées dans des conditions d’asepsie rigoureuses. Les antibiotiques utilisés étaient soit l’amoxicilline (4 x 250 mg/j pendant 3 jours), soit l’érythromycine pour les patients allergiques aux pénicillines (4 x 250 mg/j pendant 3 jours), la première prise ayant eu lieu juste après l’intervention.
En ce qui concerne l’utilisation des membranes en chirurgie paraimplantaire, les données sont différentes : elles changent en effet quand il s’agit de la pose de biomatériaux. À ce sujet, les conclusions de Nowzary et’ Slots (1994) sont intéressantes. Même si leur étude prospective n’a intéressé que 23 patients, chez lesquels 11 régénérations tissulaires guidées (RTG) et 16 régénérations osseuses guidées (ROG) ont été réalisées à l’aide de membranes non résorbables (polytétrafluoroéthylène expansé), ces deux auteurs soulignent « l’importance d’assurer la maîtrise ou l’élimination des pathogènes parodontaux sur les membranes pour espérer obtenir un gain d’attache et/ou une régénération osseuse satisfaisants. Cette étude a mis en évidence une corrélation inversement proportionnelle entre la titration bactérienne (nombre de bactéries) et le gain d’attache : 80 % des dents dont les membranes contenaient moins de 108 bactéries montraient un gain d’attache de 3 mm au minimum, tandis que toutes les dents dont les membranes contenaient plus de 10′ bactéries présentaient soit une perte d’attache (50 %), soit un faible gain, allant de 1 à 2 mm (50 %). De même, 90 % des sites implantés dont les membranes étaient restées stériles montraient une régénération osseuse complète, alors que 87 % des sites implantés en contact avec des membranes infectées présentaient toujours des défauts osseux. Certaines bactéries, fréquemment isolées à partir de ces membranes infectées, semblent être particulièrement nuisibles à la régénération tissulaire : Porphyromonas gingivales, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Prevotella intemiedia, Peptostreptococcus micros et Campylobacter rectus. Des facteurs de virulence spécifiques semblent expliquer cette inhibition de la régénération tissulaire (collagénases et autres enzymes protéolytiques, produits de catabolisme acides, lipopolysaccharides, inhibiteurs fibroblastiques…). Par contre, Nowzary et Slots (1994) rapportent que les sites opératoires en contact avec des membranes infectées où prédominaient Streptococcus viridans et Actinomyces sp. montrent une bonne régénération. Ces deux genres bactériens sont souvent
compatibles avec une bonne santé parodontale et n’entraîneraient que des parodontites peu agressives (Slots, 1977). Pour expliquer ces échecs en RTG et/ou ROG, plusieurs hypothèses peuvent être émises :
— les bactéries pathogènes à l’origine des lésions profondes de la furcation sont très difficiles à éradiquer aussi bien mécaniquement que chimiquement. Elles constitueraient un réservoir pouvant recontaminer la membrane ainsi que la poche parodontale (Sbodorne et al., 1990) ;
les racines dentaires elles-mêmes peuvent jouer le rôle de réservoir bactérien, l’éradication bactérienne peut s’avérer difficile (Adriaens et al., 1988)
— les pathogènes parodontaux peuvent contaminer la membrane à partir de dents voisines atteintes de panociontite (Quirynen et Listgarten, 1990).
La question de l’antibioprophylaxie en RTG et/ou ROG ne peut se poser et n’a de sens que lorsque le praticien est certain d’avoir stabilisé la maladie parodontale. En effet, tant que la flore bactérienne pathogène (P gingivalis, P intermedia, A. actinomycetemcomitans, P micros, C. rectus, Fusobacterium nucleatum…) est présente, l’antibioprophylaxie restera inefficace. Nous sommes alors devant une indication d’antibiothérapie curative qui, instaurée pendant 10 à 21 jours, pourra réduire voire éradiquer cette flore (Slots et Rams, 1990). De même, si l’application locale de métronidazole (gel) améliore le gain d’attache de 30 % (Sander et al., 1992), elle reste sans aucun effet sur les membranes contaminées
par des streptocoques bêta-hémolytiques (Flynn et Slots, 1993) et par les autres pathogènes anaérobies facultatifs (Rams et Slots, 1992).
Un prélèvement bactérien effectué de 3 à 4 semaines avant la mise en place de la membrane paraît nécessaire chaque fois qu’un doute demeure quant à la persistance d’un foyer parodontal infectieux. En cas d’absence de pathogènes parodontaux, l’antibioprophylaxie instaurée en préopératoire n’aura pour véritable objectif que de réduire les risques de contaminer la membrane par les bactéries de la flore commensale (aéroanaérobies à Gram positif essen tiellement).
Une récente étude prospective de Nowzary et al. (1995) a pu confirmer le fait qu’une prescription d’amoxicilline-acide clavulanique (500 mg en préopératoire et 2 x 500 mg/j pendant 8 jours) amenait une réduction importante (facteur 10) du nombre de bactéries ayant contaminé des membranes utilisées en vue de RTG.(voir ici)