Le contexte de la mise en œuvre d’une politique.
Il est important de savoir qu’il n’existe que peu de véritables contraintes légales… Une politique de mobilité internationale est principalement le résultat de décisions à prendre au niveau de l’entreprise ou de la négociation. Primes d’expatriation, prise en compte d’un différentiel de coût de vie, régime de protection sociale, liste et montant des avantages, méthodes de calcul de la rémunération, beaucoup de choses sont envisageables, du plus complexe pratiqué par certains groupes internationaux au plus simple qui attire les PME novices.
Aussi, celui qui souhaitera mettre en place une politique de rémunération pour les salariés envoyés à l’étranger sera confronté à une première difficulté pratique : il n’existe pas « un » système de rémunération de référence pratiqué par tous, mais différentes formules inspirées de deux ou trois méthodes de base et adaptées par chaque entreprise en fonction de sa dimension, ses contraintes, sa politique salariale, des pays où elle envoie du personnel, etc. À ce titre, il n’y a donc pas de « mauvaise méthode »… mais seulement des méthodes moins adaptées que d’autres aux contraintes spécifiques créées par le travail à l’étranger.
Seconde difficulté : une politique d’expatriation ne doit pas être figée. Elle doit permettre les exceptions et les cas particuliers inévitables et pouvoir s’adapter aux spécificités et aux changements futurs. Les systèmes pratiqués aujourd’hui sont le fruit d’une longue évolution commencée dans les années 1980 sur l’initiative des grands Groupes qui souhaitaient disposer d’un outil adapté à la gestion et à l’optimisation de leurs importants « bataillons » d’expatriés, . et la réflexion continue, aboutissant peu à peu à de nouvelles méthodes
Il – QUELS AXES CHOISIR ?
À la base de toute politique de rémunération, se trouvent deux questions à régler :
comment motiver le salarié ? Privilégier l’aspect financier et mettre en place un « package monétaire » conséquent qui, certes, motivera le collaborateur à accepter la mobilité, mais placera le coût des expatriations dans une spirale inflationniste ou mettre l’accent sur les effets de carrière, qui justifieront moins d’argent ?
et dans les deux cas, qu’offrir au salarié ? Lui garantir une rémunération nette ou brute ?
11.1. — CARRIÈRE OU ARGENT ?
L’orientation générale à privilégier et les procédures qui en découleront détermineront le coût des expatriations de l’entreprise : inciter au départ par l’argent ou mettre en avant les effets sur la carrière ? Le choix dépendra de la conjugaison de nombreux facteurs qu’il est indispensable d’identifier par une réflexion préalable :
la fonction à exercer à l’étranger : est-elle stratégique pour le développement de l’entreprise ? L’expatriation coûte cher, aussi ne doit-on pas « expatrier pour expatrier ». Face à l’impossibilité de faire rentrer le coût total d’un expatrié dans un budget pré-défini, certaines sociétés ont renoncé à envoyer un collaborateur français à l’étranger et ont préféré recruter un ressortissant local et le faire venir quelques mois en France pour le former à leurs produits et techniques.
le contenu de la mission : le salarié est-il envoyé à l’étranger parce que ses compétences techniques ou managériales sont indispensables à l’implantation locale ou pour développer son expérience ?
l’intégration d’une expérience à l’étranger dans un plan de carrière. Dans certains grands groupes multinationaux, les postes de haut niveau ne sont confiés qu’à des cadres ayant effectué des séjours de quelques années à l’étranger. Cette option « carrière » justifie alors la réduction des avantages financiers.
l’objectif poursuivi : l’entreprise veut-elle créer un effectif de cadres polyvalents à dimension internationale ou l’expatriation est-elle envisagée seulement pour répondre à un besoin ponctuel, par exemple dans le cadre d’un contrat ou d’un chantier ?
le pays : convaincre un collaborateur de partir dans certains pays exige des contreparties financières proportionnelles aux difficultés rencontrées… travailler en Allemagne ou en Belgique ne mérite pas le même traitement que travailler en Chine. De même, travailler à Pékin ne mérite pas le même traitement que travailler dans une zone rurale reculée de la Chine.
la personne choisie : « haut potentiel », compétence rare, voire indispensable pour la bonne exécution d’une affaire déterminée.
Le choix ne sera pas neutre sur les procédures à mettre en place. Choisir l’orientation 2 « opportunité de carrière » permettra de réduire les avantages monétaires, éventuellement
d’utiliser la référence pays d’accueil pour calculer le salaire. De même, il est rare de pouvoir construire une politique d’expatriation exclusivement sur l’un ou l’autre de ces axes… tous les cas de figure pouvant se retrouver au sein d’une même entreprise. Une « bonne » solution consiste à faire un panachage des méthodes, voire à mettre en place deux procédures : l’une dominée par l’aspect financier, l’autre par l’aspect « évolution de carrière ».
11.2. — GARANTIE D’UN BRUT OU D’UN NET ?
D’une manière générale, même si depuis quelques années, être envoyé à l’étranger n’a plus un effet « turbo » sur la rémunération aussi important que par le passé, il est une constante incontournable à prendre en compte : aucun salarié n’acceptera une mobilité s’il perd de l’argent. D’où l’importance de déterminer si l’entreprise garantit :
un salaire brut, c’est-à-dire avant paiement des impôts et charges sociales étrangères, ou
un salaire net, c’est-à-dire après paiement des impôts et charges sociales étrangères.
La solution retenue ne sera pas neutre sur le pouvoir d’achat du salarié et sur l’impact financier de sa mobilité.
Une garantie de rémunération brute est à déconseiller… même si elle est assortie d’une augmentation de salaire avant le départ. Dans la plupart des cas, l’expatrié est perdant : les impôts et charges sociales à payer à l’étranger (que ce soit en détachement ou en expatriation) sont souvent plus élevés qu’en France et entraîneront une rémunération nette inférieure à celle qu’il avait en France{allez ici}. Une majoration de salaire, sauf si elle est très importante, ne suffira pas à empêcher cette situation (voir les deux exemples ci-après).
Garantir un salaire net est souvent inévitable : lorsque le collaborateur s’apercevra de la baisse de son revenu net après qu’il ait payé ses impôts, il ne manquera pas de contacter son Responsable des Ressources Humaines pour lui poser le problème et réclamer une solution… c’est-à-dire garantir une rémunération nette.
dans les pays où le niveau d’imposition du pays d’accueil est plus faible que celui du pays d’origine, par exemple pour les mobilités de Français vers l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, Hong Kong ou Singapour ?
lorsque le niveau de la fiscalité du pays d’accueil peut être atténué par des procédures d’optimisation fiscale (par exemple : mise en place d’une rémunération partagée).
UN EXEMPLE CHIFFRÉ, MÊME S’IL EST THÉORIQUE, SUFFIRA
Hypothèses retenues :Situation de famille :Pays de mission :
Rémunération brute : Statut social : |
||
marié, deux enfants Royaume-Uni45 000,00 €expatrié |
Le raisonnement ayant pour but de montrer l’impact de l’impôt sur le revenu et des charges sociales, l’incidence du coût de la vie et du logement n’a pas été prise en compte.
Sur la base d’un salaire brut de 45 000,00 €, le salaire net, (hors logement et différentiel de coût de vie) de l’expatrié sera le suivant :
AU ROYAUME-UNI EN FRANCE SALAIRE BRUT ANNUEL 45 000,00 € 45 000,00 €
Impôt France théoriqueCharges sociales France théoriques | 1 189,60 € 9 294,60 € |
||||
2 | 478,00 | € | |||
Charges sociales françaises expatrié | |||||
Charges sociales britanniques | 3 | 768,40 | € | ||
Impôt britannique sur le revenu | 7 | 689,56 | € |
SALAIRE NET DISPONIBLE 34 516,11 € 31 064,04 €
Calculs réalisés avec les barèmes applicables sur les revenus perçus en
Pour une rémunération brute identique, 4500£ l’expatrié disposera d’un salaire net après impôt et charges sociales:
-De 34516,11£ lorsqu’il travaille en France , et.
-De 31064,04£ lorsqu’il travaille au Royaume-Uni.
L’expatriation lui fait perdre 3.462,04 € en pouvoir d’achat (hors logement et différentiel de coût de vie), soit 7,69 % de son revenu brut… ce qui n’est pas le but habituellement recherché par les employeurs.
Dans le cadre d’une garantie de salaire brut, ce phénomène de réduction du revenu disponible est général pour toutes les mobilités internationales. Son ampleur varie en l’onction du pays de mission, de la taille de la famille et du régime social retenu (expatriation ou détachement). Pour remédier à cet inconvénient, certaines entreprises attribuent de substantielles majorations de salaires… hélas, souvent le remède est pire que le mal : la fiscalité et la protection sociale du pays d’accueil vont réduire cette augmentation… et le salarié verra son augmentation brute de 30% se transformer en un petit 5 ou 10 % de gain en net disponible.